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Christian Guccini & le So Phare Away

Propos recueillis par Jean-Christophe Pina


Les bordelais le savent. Comment ne pas résister de partir respirer sur la prestigieuse presqu’île du Cap-Ferret par un si beau soleil ? Un site exceptionnel étoffé de jolies villas de célébrités et connu du monde entier pour sa qualité de vie, ses fruits de mer et sa pêche et qui a conduit il y a dix ans, Christian Guccini un restaurateur jurassien d’origine italo-corse a acheté son établissement en février 2009 près du célèbre Phare du Cap-Ferret: Le So Phare Away.


Pourtant ce restaurant n’est pas au bout du monde sinon seulement à 45 minutes de Bordeaux mais il est désormais une référence dans mon carnet d’adresses. Une rencontre inoubliable alors que je passais par là quadrillant les rues encore désertes de la basse saison en savourant la fraîcheur des senteurs iodées dans un moment de tranquillité. On dit que l’air marin est réputé pour ouvrir l’appétit et c’est vrai. Je me décide à rentrer dans cet établissement d’aspect extérieur chaleureux décoré de bois naturel avec une grande envie de poisson. Christian Guccini est seul ce soir car sans son personnel et me propose de me concocter des sardines meunières avec pommes sautées et c’est en le regardant cuisiner que je découvre un sacré personnage. L’histoire de ce sexagénaire passionné de cuisine avec 45 années de restauration à son actif me surprend au fil de la conversation. Un moment privilégié dans un restaurant pouvant atteindre 300 couverts où la causette et l’activité intense de la haute saison ne font par conséquent pas bon ménage. Le touriste du coin se considère généralement comme un roi et le roi n’a ni le temps d’attendre son assiette et donc le cuisinier encore moins le temps de causer. Tout a démarré en 1973 dans le Jura pour ce natif de Dole alors qu’il n’avait que 15 ans et travaillait déjà comme apprenti cuisine à raison de 15 heures par jour durant deux ans. Après une première saison auprès de l’Ostella de Bastia, c’est à 17 ans qu’il découvre son attachement pour ses racines corses qu’il tient de sa maman et de son nom Paccioni. Son père est un génois de Sestri Levante issu de la famille du compositeur et guitariste révolutionnaire Francesco Guccini. Christian Guccini me demande alors si je veux davantage de pommes de terre qu’il découpe lui-même car tout est fait maison. J’accepte volontiers et creuse la conversation car il connaît visiblement autant de beaux endroits que du beau monde. Saisonnier durant 20 ans entre les hivers à Mégeve et les étés à Saint-Tropez, l’animal a effectivement bien roulé sa bosse. Photographe attitré de Patrick Sébastien en 1979, Christian GUCCINI fut aussi l’année suivante le compagnon d’Isabelle MORIZET alias la chanteuse Karen Cheryl.


Marié et père d’une fille à 25 ans, c’est en 1982 que Christian Guccini a monté sa première affaire en Bourgogne: la Mare aux Chevreuils. Un bar tabac de campagne situé entre Pontailler sur Saône et Dijon mais dans lequel il organisait des repas chaque week-end. Revendu en 1986, il part deux ans à Vincelottes près d’Auxerre pour y tenir une discothèque toujours présente: les Templiers. Puis il déménage encore et c’est désormais en plein centre-ville de Rouen qu’il crée Le Jardin Romain, son premier restaurant en 1992 de 40 couverts qu’il transforme en bar cocktail de nuit trois ans plus tard revendu aussi en 1998. Les sardines sont roulées dans la farine et passent à la poele à frire. Tandis que la fringale me saisit, Christian Guccini poursuit l’histoire de sa vie. Une vie de baroudeur palpitante dans le show-biz et la restauration cumulant ainsi les expériences, les responsabilités et les rencontres jusqu’au cœur de la Capitale dans les cuisines toujours en activité du restaurant Le Totem, Place du Trocadéro en 1998 puis de Quai Ouest à Saint-Cloud aux côtés de René Pourcheresse jusqu’en 2001 qui lui confie la surveillance de 98 employés fixes et de 1000 couverts jour. Responsable également des cuisines au restaurant L’île au Parc de l’île de Saint-Germain géré par les Pourcheresse et l’ex-rugbyman Jean-Pierre Rives, Christian Guccini cache alors dans sa barbe un sourire de grand parcours du combattant puis s’exclame: « ta bouffe est enfin prête ! »


Alors que le chef cuisinier venu de la salle dispose très attentivement les pommes sautées dans une grande assiette blanche recouvertes délicatement de sardines meunières, le regard de Christian Guccini me confirme effectivement qu’il y a trop à me raconter. Le ras-le-bol de la métropole et du mauvais temps ont finalement poussé l’homme à venir s’installer à Audenge dès 2002 comme apporteur d’affaires en immobilier avec sa nouvelle et troisième épouse, Anne, rencontrée à Rouen où ils étaient amis. Une vie sur le Bassin devenue paisible et où vivait sa sœur. C’est là que Christian GUCCINI a bien gagné sa vie pour enfin ouvrir le 08 mai 2009 le So Phare Away, un restaurant bistronomique composé de plusieurs salles et d’une piscine personnelle à la disposition des clients selon les événements. « De l’empathie, être très humble et six mois voire un an comme employé de cuisine ou de salle », tels sont les facteurs essentiels pour être un bon restaurateur selon lui sinon aucune chance. Si la restauration reste sa passion, Christian Guccini ajoute sa grande déception avec son personnel le contraignant il y a trois ans a changé sa politique de travail.


Alors que je me délecte d’huile d’olive faite aussi maison pour accompagner mon plat, je constate aucun menu mais une carte à des prix très abordables: trois entrées au choix à partir de 10€ et des plats ne dépassant pas les 20 €. Quant aux vins, ce sont des Bordeaux pour la plupart. Je craque pour sa mousse au chocolat composée de crème et de cannelle. Aucun blanc d’oeuf. Un péché que je ne regrette pas malgré ma prudence pour les desserts mais le vieux renard a compris que j’étais un hédoniste pour être aussi restaurateur. Une escapade gastronomique au Cap-Ferret que je recommande donc à tous.